Tax, Order, and Good Government. A New Political History of Canada, 1867-1917 – Elsbeth Heaman

La professeure d’histoire à l’Université McGill Elsbeth A. Heaman propose dans cet imposant ouvrage une étude sur la fiscalité canadienne et les enjeux politiques, économiques, culturels, linguistiques, ethniques, régionaux et sociaux qui la sous-tendent durant la première moitié de siècle qui suit la Confédération de 1867. Puisque les débats publics sont au cœur de son analyse, l’historienne mobilise des sources qui relataient cet élément spécifique : journaux – La Patrie (Québec) et The Globe (Ontario) principalement –, brochures et discours des législateurs, des échevins et avocats publics[1]. Cette contribution à la nouvelle histoire politique s’inscrit dans un renouveau historiographique. À ce sujet, Heaman écrit que : 

The constitutional history of Canadian taxes can be briefly or expansively recounted. J. Harvey Perry’s classic, two-volume textbook, published in 1955, Taxes, Tariff, and Subsidies: A History of Canadian Fiscal Development, takes the latter route, with a full description of tax laws and many statistical appendices to which I direct the reader. Here, I provide something different: a cultural history of taxation that reads social and economic concerns more squarely into tax conversations than Perry attempted to do[2].

Cette analyse culturelle de la fiscalité est structurée en deux thèmes principaux. D’une part, Heaman traite des « discrete tax revolts » qui permettent de voir l’agentivité politique du peuple. D’autre part, elle s’est concentrée sur la manière dont les impôts ont permis une forme de médiation entre la richesse et la pauvreté[3].

Les premières démonstrations de l’ouvrage font état du projet politique du premier Premier ministre du Canada John A. Macdonald. L’historienne traite des négociations, mais surtout des débats et contestations qui ont touché la fiscalité canadienne durant les années en amont et en aval à la Confédération. George Brown en Ontario, Honoré Mercier au Québec, Joseph Howe et Charles Tupper en Nouvelle-Écosse ainsi que les « blancs » de la Colombie-Britannique sont certains de ceux qui ont fortement critiqué des groupes – les Canadiens français par George Brown ou bien les Chinois par les « blancs » de la Colombie-Britannique – et le projet politique du premier ministre conservateur[4]. Les intentions de centralisation, de mise en place d’une taxe directe et de la « National Policy », la collusion, la violence des « tax collectors », les transferts fiscaux, le patronage et le clientélisme de Macdonald et son gouvernement ont rencontré une forte opposition dans les différentes provinces canadiennes à la fin du XIXe siècle[5]. En dépit des contestations, force est de constater que la « Confederation had created a federal polity with a mandate to govern prosperity and ignore poverty[6] ». Qui plus est, les actions de Macdonald allaient unilatéralement dans le sens de « build up the economy, and it accomplished that by providing infrastructure and protection to the business interests[7] ». L’État et les Pères de la Confédération ne se souciaient pas de la pauvreté. Malgré les débats, le statu quo en faveur des élites corrompues demeurait[8]. « John A. Macdonald had constructed a fiscal federalism that protected the rich and taxed the poor and that forced direct challenges to the rule of property out of the national political Arena [9] ».

Les dernières démonstrations se concentrent sur les événements qui ont mené à la mise en place de l’impôt progressif sur le revenu en 1917. Les premiers jalons de cette importante réforme fiscale, selon Heaman, sont passés par les municipalités, pour ensuite monter vers les paliers gouvernementaux supérieurs. « The campaign for progressive fiscal reform, écrit l’historienne, began at the local level and seeped upwards. Local victories in western Canada whetted reform ambitions in eastern and central Canada and began to infiltrate party platforms there. The provinces were crucial intermediaries between municipalities and the federal sphere[10] ». Afin de soutenir les dépenses reliées aux infrastructures et aux services publics – « paved streets and sidewalks, sewers and drains, waterworks, gasworks, and street railways[11] » – les municipalités mettent en place différentes formes de taxations directes. Par exemple, à Montréal, là où la réforme fiscale canadienne a débuté[12], ainsi qu’à Toronto, les groupes socioéconomiques démunis ressentent les pressions fiscales qui leur sont imposées et contestent fortement cette situation :

Fiscal reform movements helped to introduce a new and more searching language of « fairness » into the process of taxation across Canada. They precipitated the creation of a Canadian national imaginary rooted in reciprocity of rights and needs. Taxes provoke people to expressions of outrage and demands for justice. Those expressions can lead people towards shallow, self-interested demands for special consideration; they can lead to tax evasion, which is a particularly self-interested form of resistance. The great accomplishment of ordinary people in Canada during the first half-century after Confederation was to turn fiscal resentments into a widespread popular movement for social and economic reform. The fiscal reform movement cannot simply be reduced to self-interest. Evasion or special pleading would have served that goal better. Progressive fiscal reformers managed to combine self-interest with social solidarity and to reconstruct popular expectations of the local and, increasingly, the federal state[13].

La grande réalisation des « gens ordinaires » au Canada durant la période étudiée par Heaman, donc, aura été de transformer les mécontentements envers l’appareil fiscal en un mouvement populaire transnationale pour une réforme sociale et économique. L’analyse de l’historienne démontre que les débuts de l’histoire fiscale du Canada concordent également avec l’apparition des « droits » sociaux modernes[14]. L’État moderne canadien est né des débats sur l’équité fiscale.


[1] Elsbeth. A. Heaman, Tax, Order, and Good Government. A New Political History of Canada, 1867-1917, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 2017, p. 13.

[2] Ibid., p. 6-7. 

[3] Ibid., p. 11. 

[4] Ibid., p. 37-38; 60-65; 77-78; 90-95.

[5] Ibid., p. 35. 

[6] Ibid., p. 122. 

[7] Ibid., p. 124. 

[8] Ibid., p. 230. 

[9] Ibid., p. 229. 

[10] Ibid., p. 349.

[11] Ibid., p. 186.

[12] Ibid., p. 187. 

[13] Ibid., p. 330. 

[14] Ibid., p. 5.

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