Nationalismes et conflits de droits : le débat du droit privé au Québec, 1760- 1840 – Evelyn Kolish

Dans cet ouvrage d’une impressionnante qualité, l’historienne Evelyn Kolish propose d’abord une histoire du droit privé au Québec, mais elle articule également ses réflexions autour des questions nationales, notamment franco-canadiennes et anglo-canadiennes, entre 1760 et 1840. Les sources sont nombreuses et permettent à l’historienne d’étudier une multitude de thématiques. À partir de la presse contemporaine, du Journal de la Chambre d’assemblée du Bas-Canada, du Journal du Conseil législatif du Bas-Canada, des rapports de correspondance du gouvernement, des recueils d’archives, d’œuvres juridiques, de brochures et autres imprimés[1], en plus d’étudier l’évolution de la perception des contemporains du droit privé et de l’administration de la justice, Kolish parvient à mettre en évidence « les divers rôles des intérêts de classe, de l’appartenance ethnique ou nationale, de la polarisation politique et, finalement, du niveau général des connaissances juridiques[2] » au Québec. Sur ces thématiques, c’est « l’importance primordiale des aspirations nationales dans la détermination des attitudes adoptées par les élites des deux ethnies envers le droit et l’administration de la justice[3] » qui constitue la colonne vertébrale du livre.

Kolish privilégie deux approches dans son étude : par tranches chronologiques et thématiques[4]. Dans une première partie, elle met en lumière les différentes réformes juridiques durant la période étudiée. Le régime militaire est d’abord traité, puis la Proclamation royale, l’Acte de Québec, l’Acte constitutionnel et la période de troubles juridiques et parlementaires qui mènent aux rébellions de 1837 et 1838. Lorsqu’elle traite de ces changements juridiques majeurs, l’historienne parvient à équilibrer habillement les éléments descriptifs, tels que les articles de lois et les changements centraux qui y sont associés, avec les réactions des contemporains – juges, marchands, avocats, administrateurs coloniaux, habitants, etc. –. La lutte entre les différents protagonistes pour la maîtrise des mécanismes de juridiques, qui passent principalement par la magistrature, est mise en évidence. Nous comprenons que la magistrature est perçue « comme une arme politique dans la lutte pour la domination du pays[5] » et c’est la raison pour laquelle chaque ethnie tente de faire élire des juges qui allaient représenter leurs intérêts nationaux[6].

Dans la seconde partie, Kolish étudie les secteurs controversés du droit privé. Parmi ceux-ci, nous retrouvons le droit commercial[7] (Law Merchant contre Code marchand), la question de la faillite[8], les affaires de famille[9], la tenure (tentatives de réformes du régime seigneurial[10]) ainsi que les bureaux d’enregistrement[11]. Tout au long de l’ouvrage, l’autrice parvient à comparer efficacement les deux systèmes juridiques présents au Bas-Canada tout en rendant compte du développement historique particulier de chaque système[12]. 


[1] Evelyn Kolish, Nationalismes et conflits de droits : le débat sur le droit privé au Québec, 1760-1840, Montréal, Hurtubise HMH, 1994, p. 13.

[2] Ibid.

[3] Ibid.

[4] Ibid., p. 17. 

[5] Ibid., p. 150. 

[6] Ibid., p. 114. 

[7] Ibid., p. 165-174. 

[8] Ibid., p. 177-193.

[9] Ibid., p. 199-212.

[10] Ibid., p. 217-269. 

[11] Ibid., p. 273-293. 

[12] Ibid., p. 16. 

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