Give and Take. The Citizen-Taxpayer and the Rise of Canadian Democracy (1917-1971) – Shirley Tillotson

À l’instar de l’ouvrage Tax, Order and Good Government d’Elsbeth A. Heaman, Shirley Tillotson, professeure émérite à la University of King’s College, propose dans cette étude une histoire de la fiscalité au Canada. Tillotson débute toutefois son analyse où Heaman terminait la sienne, soit en 1917 au moment de la mise en place, présentée comme temporaire à l’époque, de l’impôt national sur le revenu qui avait pour objectif de couvrir une partie des dépenses associées à la Première Guerre mondiale. La période étudiée s’étend jusqu’à la réforme de cette mesure fiscale dans le budget de 1971 par le gouvernement de Pierre-Elliot Trudeau[1]. Les deux ouvrages combinés permettent donc de couvrir le premier siècle de l’histoire fiscale canadienne. Comme dans le cas d’Heaman, l’étude de Tillotson ne se limite pas uniquement aux enjeux qui gravitent autour de l’impôt national sur le revenu, l’historienne « also tell stories about customs collection and episodes in provincial and municipal tax history. […] Being a national taxpayer, écrit-elle, was quite a different experience than being a local one[2] ». L’autrice présente bien dans l’ouvrage cette variété d’expériences et, surtout, les contestations fiscales en provenance de différents groupes – Premières nations –, régions et provinces – Québec, Nouveau-Brunswick – qui ont marqué la période. 

En plus de contribuer à l’histoire politique et économique du Canada durant le XXe siècle, cette étude traite abondamment du social et du culturel. L’historienne met de l’avant les « real human beings […] with emotions, ideas, and identities and not just “interests” narrowly, abstractly, and ahistorically defined[3] » et mobilise des sources qui permettent d’entendre les voix d’une multitude d’acteurs, tant en provenance de l’élite économique et politique que du peuple.  Ainsi, son corpus regroupe les dossiers du ministère des Finances et du ministère du Revenu national – rapports fiscaux, débats –, des articles de journaux et de nombreuses lettres – professeurs, politiciens, conseillers politiques, journalistes, travailleurs, etc. –[4].

Deux grands constats ressortent de cette étude. Entre 1917 et 1971, être un contribuable (taxpayers) au niveau national ne signifiait pas nécessairement être un citoyen (voters)[5], contrairement à ce qui s’observait au niveau municipal pour les individus aisés[6]. Durant cette période, cependant, ces deux identités se sont fortement rapprochées. Ce sont les débats sur les questions fiscales qui ont donné un élan à la tendance générale de la démocratisation sur la scène fédérale. Les querelles fiscales sont au cœur de l’histoire politique canadienne et de la mise en place de la démocratie selon Tillotson[7]. Avant 1917, parler en tant que citoyen, c’était généralement parler en tant que propriétaire foncier ou immobilier. La propriété foncière individuelle était au cœur des notions de citoyenneté durant le XIXe siècle et, plus précisément, jusqu’en 1917. Durant la période étudiée, toutefois :

late-nineteenth-century challenges to that narrow notion of citizenship bore fruit. Different kinds of people insisted that the taxes they paid entitled them to a more weighty political voice. Self-interest always played a part in those claims. But the more varied the range of interests expressed in tax talk, the more tax questions have forced us to think about how interests intersect. In the tax administration of the interwar years, a lot was hidden from public view, and that secrecy limited the quality of citizen engagement possible on tax questions. But the new tax publics of the ’50s and ’60s brought to light serious questions of how tax fairness and a just social order might be created and combined. In the sometimes fierce conflicts of those decades, taxpayers became citizen-taxpayers engaged in tough conversations about how to define and pay for our collective life. The work of democracy lies in such conversations[8].

Ainsi, plusieurs changements sont survenus durant les cinquante années étudiées par Tillotson. Le Québec, d’ailleurs, a joué un important rôle dans ces mutations. Tant dans les années 1920, 1930, 1950 que 1960, les volontés autonomistes et nationalistes du Québec ont occasionné des départs sur la question du partage des pouvoirs de taxation, mettant en jeu la nature même de la fédération[9]. Plusieurs amendements ont été mis en place durant ces années, notamment après 1948, ce qui a mené à la refonte générale en 1971 de la loi de l’impôt sur le revenu du Canada qui est la dernière réforme fiscale de cette envergure dans l’histoire du Canada. 


[1] Shirley Tillotson, Give and Take. The Citizen-Taxpayer and the Rise of Canadian Democracy, Vancouver, UBC Press, 2017, p. 9.

[2] Ibid.

[3] Ibid., p. 4-5. 

[4] Ibid., p. 7. 

[5] Ibid., p. 6. 

[6] Ibid., p. 307. 

[7] Ibid., p. 17. 

[8] Ibid., p. 17-18. 

[9] Ibid., p. 218. 

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