Creating Postwar Canada: Community, Diversity, and Dissent, 1945-75 – M. Fahrni et R. Rutherdale

Creating Postwar Canada est un ouvrage collectif sur l’histoire sociale du Canada, ses provinces et ses territoires durant les décennies qui suivent la Seconde Guerre mondiale. Il s’agit de la période dite des Trente Glorieuses qui est caractérisée par une prospérité économique sans précédent, le développement de l’État providence, de la modernité, de l’urbanisation et des banlieues, de la consommation de masse et d’un capitalisme avancé[1]. Les directeurs, la professeure à l’Université de Québec à Montréal Magda Fahrni ainsi que le professeur à l’Algoma Universty Robert Rutherdale, ont regroupé treize essais, tous rédigés sous forme de microhistoire par autant d’auteurs et d’autrices, qui mettent en lumière les multiples expériences sociales qui se sont produites simultanément au Canada durant les années d’après-guerre. « In contrast to much of the North American historiography, écrivent-ils, many of these essays insist on the importance of local or regional contexts, debates, and identities[2] ». Par conséquent, les auteurs et autrices n’adoptent pas la vision traditionnelle du contexte de guerre froide comme force idéologique qui aurait conditionné l’ensemble des rapports sociaux des Canadiens. Ils et elles mettent l’accent sur les différentes formes d’histoire politique et sociale des nations, du nationalisme, des mouvements sociaux, de la famille, de la culture de la consommation et de la contre-culture. 

L’ouvrage est divisé en deux parties. La première, Imagining Postwar Communities, regroupe sept contributions qui articulent leur réflexion autour de l’idée de « communauté imaginée » développée par Bénédict Anderson. À la lecture de cette section, il est évident qu’il y a eu au Canada une grande variété, voir un éclatement des expériences identitaires régionales. Au nord dans le territoire de l’île de Baffin, par exemple, la fin des années 1940 a concordé avec la mise en place d’un « colonialisme interne[3] » caractérisée par l’occupation du territoire, mais également par l’imposition d’une culture « blanche » chez les populations inuit. Au Québec, la révolution culturelle et identitaire qui se produit dans les années 1960 pousse différentes cellules du Front de libération du Québec (FLQ) – Libération et Chenier – à radicaliser leurs actions[4]. Leurs démarches intellectuelles ont mené directement à la crise d’Octobre de 1970. Au Nouveau-Brunswick, un néonationalisme acadien inspiré du mouvement de la survivance canadienne-française prend forme[5] : la défense de la langue française devient un enjeu politique, des réseaux patriotiques se développent, la participation politique acadienne augmente drastiquement, le libéralisme s’impose et l’Université de Moncton est créée. Le Nouveau-Brunswick devient durant les Trente Glorieuses une société biculturelle[6]. Toutefois, cet éclatement n’est pas vécu par tous. Il y a également, durant les années d’après-guerre, une identité nationale qui se développe chez certains acteurs. Les membres de la Canadian Linguistics Association (CLA), par exemple, tentent de mettre en valeur les particularités de l’anglais et du français canadien dans un dictionnaire[7]. Certains, comme Peter C. Newman ou Walter Gordon, développent un fort nationalisme canadien[8] – en rapport à l’impérialisme culturel américain –, alors que d’autres tentent de miser sur la réciprocité économique et le libre-échange – Pacte sur l’automobile Canada-États-Unis de 1965[9] –. 

La deuxième partie, Diversity and Dissent, traite spécifiquement de la contre-culture et des phénomènes de dissidences et de changements culturels qui ont caractérisé le Canada de l’après-guerre. Par exemple, il se déploie à Vancouver des tensions entre traditions et modernité, alors que des citoyens s’organisent contre la consommation de masse[10]. Toujours à Vancouver, les clubs de stripteases s’imposent et prolifèrent en dépit des interventions policières et de la répression raciale. L’intérêt de la clientèle masculine augmente constamment et les possibilités de générer du capital dans cette industrie sont bien réelles[11]. Le modèle traditionnel familial est aussi ébranlé : le rôle de la paternité est remis en question[12], certaines familles adoptent des afro-Canadiens[13], la révolution sexuelle, chez les femmes surtout[14], se met en marche et, enfin, la consommation de drogues comme la marijuana devient de plus en plus acceptée socialement[15].

L’ouvrage collectif, donc, remplit bien sa mission. Nous sommes mis en contact avec une multitude d’expériences sociales touchant les provinces des maritimes, du Québec, de l’Ontario, de l’Ouest ainsi que les territoires. Les essais mettent bien en évidence les transformations qui sont survenues durant les années d’après-guerre. Le consumérisme et l’idéologie libérale se sont installés au Canada, et ce, au détriment d’un ordre séculaire basé sur les valeurs traditionnelles chrétiennes. Sur les plans régionaux et nationaux, également, de nombreuses formes de nationalismes ont été alimentées durant cette période de prospérité économique sans précédent. 


[1] Magda Fahrni et Robert Rutherdale, dir. Creating Postwar Canada: Community, Diversity, and Dissent, 1945-75, Vancouver, UBC Press, 2007, p. 2-5.

[2] Ibid., p. 1. 

[3] Joan Sangster, « Construction of the “Eskimo” Wife : White Women’s Travel Writing, Colonialism, and the Canadian North, 1940-60 », dans Ibid., p. 26. 

[4] Éric Bédard, « The Intellectual Origins of the October Crisis », dans Ibid., p. 56. 

[5] Joel Belliveau, « Acadian New Brunswick’s Ambivalent Leap into the Canadian Liberal Order », dans Ibid., p. 62.

[6] Ibid., p. 70. 

[7] Steven High, « The “Narcissism of Small Differences”: The Invention of Canadian English, 1951-67 », dans Ibid., p. 95.

[8] Robert Wright, « From Liberalism to Nationalism: Peter C. Newman’s Discovery of Canada », dans Ibid., p. 120.

[9] Dimitry Anastakis, « Multilateralism, Nationalism and Bilateral Free Trade: Competing Visions of Canadian Economic and Trade Policy, 1945-70 », dans Ibid., p. 153.

[10] Michael Dawson, « Leisure, Consumption, and the Public Sphere: Postwat Debates over Shopping Regulations in Vancouver and Victoria during the Cold War », dans Ibid., p. 197.

[11] Becki L. Ross, « Men Behind the Marquee: Greasing the Wheels of Vansterdam’s Professional Striptease Scene, 1950-75 », dans Ibid., p. 219.

[12] Robert Rutherdale, « New “Faces” for Fathers: Memory, Life-Writing, and Fathers as Providers in the Postwar Consumer Era », dans Ibid., p. 242.

[13] Karen Dubinsky, « “We Adopted a Negro”: Interracial Adoption and the Hybrid Baby in 1960s Canada », dans Ibid., p. 268. 

[14] Christabelle Sethna, « “Chastity Outmoded!” The Ubyssey Sex, and the Single Girl, 1960-70 », dans Ibid., p. 268.

[15] Marcel Martel, « Law versus Medecine : The Debate over Drug Use in the 1960s », dans Ibid., p. 331.

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