Dans cet ouvrage court en termes de pages, mais extrêmement riche en contenu, l’historien Claude Pronovost offre une analyse quantitative sur le groupe des marchands dans la région du nord de Montréal au cours des XVIIIe et XIXesiècles. Contrairement aux autres études qui analysent des dizaines de marchands, souvent les plus prospères et ceux dont les affaires sont bien connues, Pronovost a intégré dans son corpus « l’ensemble des marchands, tant ceux qui réussissent que ceux qui font une brève incursion dans le commerce[1] ». Son échantillon est à la base composée de 345 marchands, mais puisqu’il se limite uniquement à ceux qui ont établi leurs affaires avant 1830, le nombre de marchands étudiés est 232[2]. Les sources qu’ils mobilisent sont des livres de comptes, des inventaires après-décès, des actes notariés (notamment pour les questions relatives aux dettes), des registres paroissiaux, des archives judiciaires ainsi que des journaux.
Son analyse offre une vue d’ensemble de la communauté marchande du nord de Montréal assez impressionnante. Les sujets sont nombreux et abordés de manière claire et concise. Il est possible d’obtenir des informations sur les types de commerce, la place des femmes dans le commerce, les origines des marchands, les formes d’alliances qui étaient possibles, les niveaux de fortune et de vie, les disparités entre les marchands (commerçants, marchands, marchands-tanneurs, marchands-bouchers, artisans, etc.), le rôle des artisans dans le développement du commerce, les sources de financement disponibles ainsi que la vaste question du système de crédit. Pour la plupart de ces thématiques, les résultats se rapprochent de ceux observés par d’autres historiens et historiennes, dont Louise Dechêne et Allan Greer.
Au-delà de ces thématiques, certaines conclusions ressortent particulièrement de cette étude. Par exemple, Pronovost a observé que « près de 50% des commerçants évoluent dans le secteur du commerce pour une période inférieure à cinq ans[3] ». Cela témoigne du fait que l’accessibilité à la profession de marchand rural était relativement facile, mais que le défi demeurait une implantation à long terme. Qui plus est, lorsqu’il traite de la question de l’industrialisation, Pronovost écrit qu’« après avoir été à l’origine du développement des structures économiques depuis la Conquête, la bourgeoisie sera à l’origine de l’émergence d’un état fédéral, le Canada, qu’elle dirige selon des principes mercantiles. Comme auparavant, cette classe sera à l’origine du plus grand projet de société jamais réalisé au Canada, la mise en place d’un réseau ferroviaire[4] ». Ainsi, en plus de démontrer l’importante contribution de la bourgeoisie marchande dans le développement régional du nord de Montréal au cours des XVIIIe et XIXe siècles, l’historien parvient également à démontrer son influence dans la mise en place des structures économiques qui ont permis la création du Canada dans la deuxième moitié du XIXe siècle.
1) Claude Pronovost, La bourgeoisie marchande en milieu rural (1720-1840), Québec, Presses de l’Université Laval, 1998, p. 1.
2) Ibid., p. 7.
3) Ibid., p. 9.
4) Ibid., p. 162.
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