Brève histoire socioéconomique du Québec – Young et Dickinson

Cette Brève histoire socio-économique du Québec est écrite par deux historiens anglophones, Brian Young et John A. Dickinson. Les deux auteurs mobilisent dans cet ouvrage, très complet d’ailleurs, la méthodologie de l’histoire sociale, dont les analyses tournent autour du statut économique, de la classe, du genre et des origines ethniques[1]. Dans la préface, est écrit que « les auteurs n’adhèrent pas à la vision d’un Québec comme une société “normale” cheminant dans le sillon des autres démocraties de l’Amérique :  “Le passé québécois fut marqué par des institutions particulières, une culture distincte et des rivalités ethniques issues de la conquête d’un peuple d’origine européenne par un autre”[2] ». Dickinson et Young, à travers une grille d’analyse socio-économique, proposent dans cet ouvrage une nouvelle approche théorique ainsi qu’une réévaluation de la périodisation traditionnelle. Les trois premières parties représentent les trois périodisations offertes par les auteurs : des premiers contacts à 1650, de ce moment à 1815 et de 1815 à 1885. 

Dans la première partie de l’ouvrage, intitulé « la rencontre entre deux mondes », les auteurs démontrent que « jusqu’au milieu du XVIIe siècle, les Européens, très minoritaires sur le continent, durent adapter au caractère indépendant et à l’autonomie des autochtones leurs façons de faire la guerre et le commerce[3] ». C’est une époque d’alliances et concessions. Durant cette période, il existait une grande interaction culturelle entre les Premières Nations, largement traitées dans cette première partie, et les Européens. C’est également le moment où l’économie mercantile française s’est mise en place : les pêcheries et la traite de fourrure étant les deux principaux vecteurs de l’économie dans la vallée du Saint-Laurent durant cette période. Pour eux, le « premier grand tournant de l’après-contact avec les Européens survient lors du bouleversement démographique et économique provoqué par la disparition des Hurons, en 1650[4] ».

Après cette date, et c’est ce qui débute la deuxième partie de l’ouvrage, une société préindustrielle s’est mise en place au Québec. « Complétée en 1650, écrivent-ils, la disparition des intermédiaires hurons suscita, dans le domaine économique, de nouvelles possibilités qui commencèrent à attirer des immigrants français dans deux champs d’activité distincts : la traite de fourrures et l’agriculture[5] ». La croissance de l’agriculture, qui est le résultat des politiques de colonisations des autorités coloniales, marque « la naissance d’une société agricole préindustrielle qui se maintint jusqu’au XIXe siècle[6] ». Une société préindustrielle qui repose sur trois bases : la famille, l’agriculture et une structure sociale rigide et hiérarchisée. C’est à l’intérieur et en fonction des cadres établis dans la colonie (régime seigneurial, Église, autorités coloniales, Coutume de Paris, etc.) que se développe l’économie.  Dickinson et Young écrivent que « parce qu’elles se développèrent dans un cadre colonial, la société et l’économie du Québec préindustriel furent jusqu’à un certain point modelé par les centres métropolitains d’outre-Atlantique; néanmoins, et par-delà l’autorité exercée par l’administration centrale, les progrès de la colonie étaient dus pour une large part à des facteurs locaux[7] ». Ils parlent évidemment des structures fondamentales, tant sociales et économiques qu’administratives, qui ont contribué à une croissance démographique, à l’expansion des territoires agricoles et l’exploitation, par le capitalisme marchand, des produits moteurs de l’économie : la pêche (morue surtout), les pelleteries (fourrures de castor), l’agriculture (le blé froment) ainsi que, au tournant du XIXe siècle et au début de celui-ci, la forêt (bois équarri). 

Dans la troisième partie de l’ouvrage, Dickinson et Young analysent la transition vers le capitalisme industriel survenu entre 1815 et 1885. Durant cette période sont survenus d’importants changements sociaux, politiques, religieux, institutionnels et culturels[8]. En 1885, le Québec était un monde très différent de celui de 1815 : « la répression des rébellions de 1837-1838, l’obtention de la démocratie parlementaire, l’entrée en vigueur d’un nouveau régime fédéral et l’alliance entre les autorités religieuses, la bourgeoisie francophone et les industriels laissaient la province aux mains d’éléments conservateurs. Ces forces allaient dominer le Québec pendant une bonne partie du XIXe siècle. Au cœur de ce pouvoir se trouvait l’Église qui dominait sans partage l’infrastructure institutionnelle du Québec catholique[9] ». Au cours du XIXe siècle, le Québec passe d’une société agraire préindustrielle à l’ère du capitalisme industriel. Les manufactures remplacent les ateliers artisanaux, la part de l’agriculture destinée au marché s’accroît et le capital joue un rôle de plus en plus important dans les rapports sociaux[10].


[1] John A. Dickinson et Brian Young, Brève histoire socio-économique du Québec (quatrième édition), Québec, Septentrion, 2009, p. 7. 

[2] Ibid., p. 7-8. 

[3] Ibid., p. 19. 

[4] Ibid., p. 20.

[5] Ibid., p. 49. 

[6] Ibid.

[7] Ibid., p. 87. 

[8] Ibid., p. 133. 

[9] Ibid., p. 173.

[10] Ibid., p. 177. 

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