L’ouvrage Histoire de la ville de Québec 1608-1871, publié aux éditions Boréal en 1987, est le produit de trois auteurs : John Hare, professeur de littérature à l’Université d’Ottawa et spécialiste de l’histoire de l’imprimerie au Québec, le chef adjoint à la section Histoire d’Environnement Canada Marc Lafrance ainsi que David-Thierry Ruddel, historien au Musée canadien des civilisations. Ce livre traite des trois premiers siècles d’existences de la ville de Québec, qui « a été pendant longtemps la ville la plus importante du Canada[1] ». Cette histoire est réalisée à partir des archives datant du Régime français (récits d’observateurs et récits de voyage, annales du port de Québec, documents militaires, annuaire de la ville, registres de l’état civil, etc.), du Régime anglais (Gazettes, correspondances, journaux intimes, annuaire de la ville, actes notariés, etc.) ainsi que des études sur l’histoire de la ville et, plus largement, sur celles de la colonie. Les auteurs divisent l’ouvrage en cinq chapitres, qui représentent chacune des époques historiques.
Le premier chapitre est celui qui couvre la période la plus étendue dans le temps, soit tout le Régime français (1608-1759). Y sont traités les conditions reliées à l’établissement de la ville (défrichements, conflits avec les Iroquois, conditions sociales, etc.), les enjeux politiques (Cent-Associés, gouvernement royal, fonctions administratives, etc.), les activités économiques (pelleteries, pêche dans une moindre mesure, ville entrepôt, construction navale et, surtout, activités portuaires), la population et société (Ancien régime : administrateurs coloniaux, militaires, clergé, marchands, journaliers, domestiques, etc.), le paysage urbain (dichotomie entre la Haute-ville et la Basse-ville, fortifications, etc. ), la vie et communauté urbaine (administration de la ville – Conseil souverain –, éducations des filles et garçons) ainsi que la vie culturelle et les loisirs.
Dans le second chapitre, ce sont les trente premières années suivant le changement de régime qui sont à l’étude. Après la Conquête, Québec demeure le siège du gouvernement civil et la principale garnison militaire de la colonie[2], mais la ville connaît une faible croissance économique. La transition dans les années 1760 est difficile, surtout pour les marchands Canadiens : « aux commerçants canadiens, écrivent les auteurs, la guerre de la Conquête n’apporte que ruine et désolation. Le papier monnaie émis par l’intendant avant 1760 ne sera jamais remboursé et, à cette importante perte de capital, il faut ajouter celle des marchandises commandées en France mais jamais livrées ou perdues en mer[3] ». L’arrivée des Britanniques, tant administrateurs coloniaux, que militaires et hommes d’affaires, aura de sérieuses répercussions dans le contrôle de l’économie et des postes de pouvoir de la ville. Durant cette période, les anglophones contrôlent sans équivoque les destinées économiques et administratives de la ville[4].
Le troisième chapitre traite des « nouvelles perspectives socio-économiques » qui caractérisent la période qui s’échelonne de 1791 à 1814. Ce moment de l’histoire de la ville est caractérisé par une relance économique (augmentation des exportations – fourrures, agricultures, potasse, bois et navires –, des activités portuaires et du trafic maritime), par une croissance démographique et par l’émergence d’une culture et d’un intérêt des habitants pour la vie civique (lectures – œuvres de philosophes, journaux français et Déclaration des Droits de l’Homme). Il s’agit également d’une période où les mesures répressives par les autorités britanniques sont fréquentes. En raison de l’effervescence culturelle notamment, un climat de peur amène l’armée britannique à réprimer la population en 1794[5]. Les mouvements de contestations et conflits ethniques prennent également une part importante de la vie civique dans la ville :
À partir de 1805, les mouvements de contestations émanent de l’Assemblée législative. En janvier, les Britanniques opposés aux concessions accordées aux Canadiens fondent The Quebec Mercury, journal qui ridiculise les Canadiens et les idées politiques de leurs chefs parlementaires. Devant la tournure des événements, ces derniers décident de fonder leur propre journal, Le Canadien, afin de répondre aux attaques du Mercury. Dès les premiers numéros, en novembre 1806, Le Canadienreproche au parti anglais ou « anti-canadien » de fomenter la « guerre civile » dans la colonie. Autour de cet organe de propagande, la majorité canadienne en Chambre prend l’allure d’un véritable parti politique, ayant un bureau de direction – les « propriétaires de l’imprimerie canadienne » -, des candidats et un réseau de communication[6].
Dans ce chapitre, nous constatons donc que le début du XIXe siècle amorce une ère de prospérité et d’expansion à Québec : « après deux siècles, la ville commence à jouer pleinement son rôle de port de mer intérieur. Au tournant du siècle, un changement fondamental dans l’économie coloniale s’opère; le marché britannique pour le bois de la colonie git comme force accélératrice sur l’activité maritime et portuaire de Québec. Devant une colonie lucrative, Québec doit assurer la défense de son port; la fonction militaire de la ville devient donc primordiale et en est par le fait même accentuée[7] ».
Dans le quatrième chapitre, ce sont les années 1815-1854 dites de « grandes croissances » qui sont étudiées. Les auteurs démontrent comment l’économie de la ville est centrée sur les activités portuaires. C’est le port qui contribue, pendant la première moitié du XIXe siècle, à « une période de croissance tout à fait remarquable : les changements qu’elle enregistre transforment la société et l’économie urbaines tout en créant à la fois de nouvelles possibilités et de nombreux problèmes pour la population. Moteur de développement, le commerce du bois amène la croissance de tous les secteurs économiques de la région en même temps qu’une nouvelle élite d’entrepreneurs britanniques. D’autre part, la croissance du commerce maritime résultat de cette activité conduit à Québec des milliers de matelots, qui forment une partie importante de la classe populaire[8] ». Il se produit durant cette période, un vrai « brassage de populations ». Entre 1829 et 1865, 1 084 765 personnes de la Grande-Bretagne passe par Québec, soit en moyenne 30 000 individus annuellement[9]. Les Irlandais, d’ailleurs, représentent le groupe d’immigrants le plus important durant cette période. Cette croissance démographique concorde avec la croissance des industries, la création d’une classe ouvrière, de conditions de travail propres au capitalisme sauvage, d’une pauvreté omniprésente, d’un taux de criminalité élevé et de conditions sanitaires déplorables. Ses enjeux sont gérés par les magistrats (juges de paix) jusqu’en 1830, puis, à la suite de pressions populaires, par le Conseil de ville et un maire élu dès 1856[10].
Le dernier chapitre traite du déclin de la ville qui se manifeste entre 1855 et 1871. Les années 1860 auront été critiques pour la ville de Québec : « plusieurs facteurs se conjuguent pour lui faire perde population et influence économique : déclin de trafic de bois et de la construction navale, départ de fonctionnaires et de leurs familles vers Ottawa, et incendies désastreux dans les quartiers ouvriers[11] ».
[1] John Hare, Marc Lafrance et David-Thierry Ruddel, dir., Histoire de la ville de Québec 1608-1871, Montréal et Gatineau, Boréal et musée canadien des civilisations, 1987, endos.
[2] Ibid., p. 107.
[3] Ibid., p. 108.
[4] Ibid., p. 116.
[5] Ibid., p. 164.
[6] Ibid., p. 165.
[7] Ibid., p. 173-175.
[8] Ibid., p. 178.
[9] Ibid., p. 192.
[10] Ibid., p. 236-237.
[11] Ibid., p. 262.
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