Brian Young, historien et professeur émérite à l’Université McGill, propose dans cet ouvrage une « comparative study of elite authority in Quebec[1] ». Sur quatre générations, il analyse le parcours des chefs d’une famille patricienne française, les Taschereau, ainsi que ceux des McCords, une famille patricienne anglaise. L’étude aborde une quantité impressionnante de thématiques : régime seigneurial, veuvage, droit – avocats, juges –, prélat, institutions catholiques et anglicanes, professions historiques de la loi et du clergé, esclavage, pouvoir patriarcal au sein des ménages ainsi que l’autorité des élites dans la société québécoise des XVIIIe, XIXe et début du XXe siècle[2]. D’ailleurs, le dernier élément, l’autorité, est un concept central dans cet ouvrage :
Authority, in its eighteenth – and nineteenth-century sense, is at the core of this work. Here, it ranges in form from patriarchal power within the family to feudalism; place in the colonial and then the state bureaucracy; slave-owning; position in the legal profession, on the bench, and in social institutions; moral and disciplinary command through the established churches; and controlling voice in information. Authority involves complex relations between officialdom and citizen, parent and child, husband and wife, master and slave, landlord and tenant, priest and parishioner, and judge and judged. As slave-owners, the Taschereaus and McCords bought and sold and advertised for runaways. As mill proprietors, they were instrumental in the provision of bread. As militia officers, they signed execution orders for deserters in the War of 1812-14 and were in the front lines of those suppressing the Patriotes in the Rebellions of 1837-38. As rectors and chancellors of universities and as Catholic archbishops and leading Anglican lay officials, they exercised intellectual and disciplinary authority across parishioners, the clergy, students, female religious communities, and social institutions. As family heads, they could command obedience from their children, and as landed, they greatly influenced the inheritance of their heirs. Across four generations, I trace the lives of two patrician families for continuity through the disruptions of imperial conquest, of the American and French revolutions, of the challenges of seigneurial land reform and legal codification, and of the decline of Anglicanism, and through the rise of such institutions as the state, legislative democracy, the university, and the nuclear family[3].
Comme l’extrait en témoigne, les chefs de chaque famille patricienne sont analysés dans les moindres détails. Qui plus est, au-delà des individus, l’étude met également en évidence les tendances familiales qui se maintiennent, ou se transforment, de génération en génération. Par exemple, du côté des Taschereau, Young démontre qu’il s’agissait d’une famille progressiste et moderne. « In their attitude to the state, to capital and technology, to the organization, inventorying, and structuring of knowledge, and to the place of professions, the Taschereaus were surprisingly progressive – modern, if you prefer[4] » écrit-il. Elzéar-Alexandre Taschereau, qui était archevêque, a joué un rôle essentiel dans le développement d’une université catholique, et plusieurs membres de la famille ont été impliqués dans le mouvement de codification du droit, de la discipline catholique et de l’armée. De génération en génération, les Taschereau ont encouragé l’entreprise capitaliste. Ils étaient, par exemple, promoteurs de l’investissement de l’Église dans les chemins de fer du Québec et ont été une force régionale majeure dans le blocage du syndicalisme nord-américain[5]. À l’inverse, l’historien démontre que les McCords ont « stumbled in the modernizing world[6] ». Contrairement aux Taschereau qui se sont constamment occupés de maintenir leur position dans l’élite politique, militaire et juridique dans la région de Québec, les McCords ont connu un déclin intergénérationnel dans la hiérarchie anglophone de Montréal. Les institutions centrales de leur pouvoir patricien, comme l’Église d’Angleterre, l’Université Bishop’s, la Société d’histoire naturelle et l’asile des orphelins protestants, ont perdu en influence et, de facto, la famille a connu le même sort puisqu’elle n’a pas été en mesure de se renouveler[7].
Enfin, encore plus au-delà des individus ou des trajectoires familiales sur la longue durée, l’ouvrage offre un portrait convaincant des conditions entourant ce que Young nomme « le pouvoir patricien » au Québec. Sur cette question, il écrit que le « Patrician power » :
was less about wealth than about the exercise of seigneurial, civil, religious, professional, and familial authority. Both in the Beauce and in the suburbs of Montreal, success ful landowning depended on sensitive social relations with peasant or factory populations, on the fine print of seigneurial contracts, on the long-term development of timber, water, and human resources, and on attention to infrastructure like roads, mills, and markets. More than through the blunt possession of land, patrician authority was determined, understood, negotiated, and maneuvered through the sustained use of institutional, religious, and cultural levers, through the careful control of communication between the local and the outside world, through complex channels of mediation and arbitration, and through the relentless use of ceremony, rituals, processions, Masses, government commissions, and militia musters. Uncomfortable with world views around republicanism, egalitarianism, democracy, individualism, and secularism, both families achieved influence in permanent institutions – seigneurial, judicial, philanthropic, religious, associational, and educational. For both families, law was a key form of authority, a prized channel of male status, and a source of professional income. Third-generation McCords, trained by the best English tutors and Collège de Montréal instructors, served as legal and canon codifiers, judges, and, in one case, a university chancellor. Similarly, the Taschereaus understood the significance of a classical education and college connections, using seminary and convent schools as stepping stones to high office as Ursuline Superior, archbishop, Supreme Court judge, and provincial premier[8].
Finalement, Young démontre bien que les parcours des Taschereau et des McCords reflètent une intégration délibérée et persistante aux mondes atlantique et européen. Chaque génération peut se comprendre dans un contexte qui transcende l’enracinement au sein de leurs communautés locales. L’arrivée des deux familles au Canada, soit la première génération, est le résultat immédiat des impulsions impériales françaises et britanniques en Amérique. La seconde génération a été directement affectée par l’Acte de Québec, mais également par les Révolutions américaine et française. La troisième génération doit quant à elle être comprise dans le contexte international de Waterloo, Peterloo, Alexandre Vattemare et Walter Scott tandis que la quatrième « can only be understood in terms of Charles Darwin, John Ruskin, the daguerreotype, and Rome’s Syllabus of Errors[9] ».
[1] Brian Young, Patricians Family and The Making of Quebec. The Taschereaus and McCords, Montréal et Kingston, McGill/Queen’s University Press, 2014, p. 4.
[2] Ibid.
[3] Ibid., p. 5.
[4] Ibid., p. 325.
[5] Ibid.
[6] Ibid., p. 326.
[7] Ibid.
[8] Ibid., p. 327.
[9] Ibid.
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