Actuellement au Canada, l’écart entre les conditions de vie des citoyens et des populations autochtones est très considérable. Alors que le pays se classe parmi les meneurs mondiaux selon l’indice de développement humain développé par l’ONU, la réalité est tout autre lorsqu’il est question des Premières Nations : « The gap between these populations is so wide that official communications of the Assembly of First Nations, the largest aboriginal organization in the country, state that Canada’s indigenous population would rank sixty-third on the same index, the equivalent of Panama, Malaysia, or Belarus. […] indigenous people routinely suffer from poverty, violence, sickness, and premature death[1] ». Dans cet ouvrage d’histoire politique inspiré de la thèse de doctorat de l’historien James Daschuk, ce sont les racines de cette disparité actuelle en matière de santé entre les populations autochtones et majoritaires de l’ouest du Canada qui sont retracées[2]. L’analyse s’inscrit dans une perspective postcoloniale et inclusive. Elle couvre les XVIIIe et XIXe siècles. Cette étude, écrit Daschuk, « acknowledges the importance of racist ideology in the historical relationship between First Nations and the Canadian state. Rather than focusing on the ideas that fuelled the marginalization of the reserve population or the worldview of the indigenous groups who were eventually subjugated, this investigation considers the material conditions, the result of long-term economic and environmental forces, that ultimately led to such divergent histories of population health in western Canada[3] ».
La démonstration comporte deux pans principaux. D’abord, elle traite des changements économiques, démographiques et territoriaux chez les Premières Nations de l’Ouest avant l’acquisition du territoire par le Canada en 1870. L’Ouest canadien a d’abord été un territoire de refuge pour les populations autochtones – Cris, Assiniboine et Dakota –, mais l’expansionnisme commercial des populations euro-canadiennes a augmenté la fréquence des contacts[4]. Au XVIIIe siècle, les relations économiques entre les Premières Nations et les Euro-Canadiens ont connu une transition. L’intérêt des Euro-Canadiens envers les ressources en fourrures qui a caractérisé le XVIIe siècle s’est transposé vers un intérêt envers la viande de bison[5]. À l’instar du rôle qu’ils occupaient dans le commerce des pelleteries, les Autochtones ont continué d’être les intermédiaires dans l’accès à cette ressource. Toutefois, ces nouveaux contacts ont occasionné la propagation de nombreuses maladies, dont la variole et la tuberculose, lesquelles ont données lieux à plusieurs épidémies mortelles[6]. Qui plus est, durant cette période de contacts, il s’est instauré un rapport de pouvoir complètement disproportionné entre les Euros-Canadiens et les populations autochtones : « To secure their trade, écrit Daschuk, Montreal-based traders relied on alcohol, violence, murder, and the slave traffic of Women [7] ».
Au-delà des pratiques abusives et des relations hiérarchiques, d’autres problèmes sont soulignés par l’historien. Il démontre que dès les premières décennies du XIXe siècle, les conditions de santé et de vie des populations autochtones de l’Ouest canadien se sont drastiquement détériorées. À partir de la décennie 1820, les populations autochtones de l’Ouest canadien faisaient face à une crise sociale, démographique et environnementale[8]. Les épidémies et famines sont périodiques durant les décennies qui suivent, et ce, malgré l’utilisation de vaccins. Sur cette question, Daschuk écrit que :
The annexation of the northwest by the Dominion of Canada in 1870 changed the political, economic, and medical history of the region forever. Although acute contagious disease continued to strike the indigenous population, an epidemic transition took place within a decade of the transfer. Widespread vaccination mesures diminished the threat of smallpox, but almost immediately a new pathogen emerged to take its place as the primary cause of sickness and death tuberculosis. Appearing in tandem with a region-wide famine, tuberculosis exploded and cut down the indigenous population. An epidemic unlike anything the region had ever seen, it swept through the entire newly imposed reserve system […]. The most significant factor under human control was the failure of the Canadian government to meet its treaty obligations and its decision to use food as a means to control the Indian population to meet its development agenda rather than as a response to a humanitarian crisis[9].
Ainsi, dans les dernières décennies du XIXe siècle, « the sudden collapse of bison herds[10] » a occasionné des famines, lesquelles ont affaibli la santé des populations autochtones ce qui les rendait d’autant plus vulnérables aux épidémies. Après 1880, le rapport de force entre la couronne et les populations autochtones de l’Ouest canadien étaient complètement changés[11]. L’écart était encore plus drastique qu’au début du siècle. Le gouvernement a utilisé à son avantage la vulnérabilité des populations autochtones pour faire avancer son programme politique : « Instead of supplying rations to famine-stricken populations ‘in a national famine » […], rations were used as a means of coercing Indians into submitting to treaty [12] ». Au final, ce sont des milliers d’autochtones qui ont été relocalisés et qui ont perdu l’influence et le contrôle des terres sur lesquelles ils vivaient. L’exemple le plus révélateur est sans contredit celui des communautés de Cypress Hills qui vivaient sur le territoire où a été construit le Canadian Pacific Railway, et qui ont été contraint de se sont convertir, non sans résistance, à l’agriculture[13].
[1] James Daschuk, Clearing the Plains: Disease, Politics of Starvation, and the Loss of Aboriginal Life, Regina, University of Regina Press, 2013, p. IX.
[2] Ibid.
[3] Ibid., p. X.
[4] Ibid., p. 27.
[5] Ibid., p. 31.
[6] Ibid., p. 40.
[7] Ibid., p. 46.
[8] Ibid., p. 57.
[9] Ibid., p. XIX.
[10] Ibid., p. XX.
[11] Ibid., p. 99.
[12] Ibid., p. 114.
[13] Ibid., p. 123.
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