Le Bas-Canada 1791-1840. Changements structuraux et crise – Fernand Ouellet

Le célèbre et controversé historien Fernand Ouellet (1926-2021) propose dans cette étude d’histoire sociale, économique et politique, une analyse rigoureuse et approfondie du Bas-Canada et de ses principales composantes. Le corpus de sources est vaste et diversifié. Il est composé de plusieurs fonds d’archives – Archives publiques du Canada, Archives de la province de Québec, Archives du Séminaire de Québec –, de rapports d’archives, des journaux de l’Assemblée législative du Québec, de documents constitutionnels – assemblées, proclamations, lois, etc. –, de registres de production agraire, de recensements et plus encore. La démonstration de Ouellet peut se résumer en deux constats généraux, lesquels sont bien évidemment accompagnés d’une démonstration étoffée, qui peuvent se résumer ainsi : le Bas-Canada du XVIIIe siècle est caractérisé par une grande stabilité, alors que le XIXe siècle est le témoin de changements structuraux considérables et d’une crise généralisée à l’ensemble des sphères de la société. 

La stabilité, elle, se manifeste dans la permanence des structures économiques et sociales. Selon Ouellet, le XVIIIe siècle serait caractérisé par la « lenteur de la transformation de l’économie[1] », par la persistance du modèle coloniale dans lequel « la métropole puise dans les matières premières de la colonie et y déverse ses produits manufacturés[2] », par une société agraire de « subsistance[3] » ainsi que par la « survivance de l’Ancien régime sociale[4] » qui est caractérisée par le maintien du régime seigneurial et du droit qui le supporte. Jusqu’en 1791, ces composantes auraient caractérisé le territoire du Bas-Canada – nommée Nouvelle-France et Province de Québec durant la période préconstitutionnelle –. Le « changement politique majeur » qui survient avec l’Acte constitutionnel n’aurait « rien d’une révolution politico-sociale[5] » selon Ouellet, mais il concorderait avec une vague de prospérité économique qui aurait touché principalement le secteur agricole et les pelleteries. Après 1784, « la production agricole connaît un essor sans précédent[6] » et la « domination anglophone[7] » s’impose. Pour Ouellet, c’est durant cette période « que s’inscrit ce qu’on appellera plus tard l’infériorité économique des Canadiens français[8] ».            

Dès le début du XIXe siècle, le Bas-Canada aurait connu « une crise générale de l’agriculture[9] » accompagnée d’un « déclin du commerce des fourrures[10] ». Cette crise de l’agriculture serait causée par la « déficience des techniques agricoles », l’abondance des ressources agricoles en provenance de « l’Ouest », la pression démographique subie dans les seigneuries, les épidémies de la mouche à blé, l’accroissement de la fiscalité seigneuriale ainsi que par la « mentalité d’Ancien régime » des Canadiens français[11]. Ce postulat de la crise du monde rural, fortement contesté par Paquet, Wallot, Courville, Dessureault et plusieurs autres, aurait occasionné la substitution des élites traditionnelles – clergé et noblesse – au détriment d’une « classe moyenne » canadienne-française qui se présente comme le porte-étendard du nationalisme canadien-français[12]. « Ce monde rural instable, insécure et agité, écrit Ouellet, se sent menacé dans les fondements de sa vie traditionnelle : agriculture, famille, paroisse et seigneurie[13] ». Ce sentiment de menace, combiné aux tensions « socio-ethniques[14] » ainsi qu’à la montée en puissance du parti canadien – patriote après 1827 – et du nationalisme – libérale et réformiste à démocratique et républicaine[15] –, serait la cause de la paralysie des institutions politiques et des troubles politiques de 1837-1838. 


[1] Fernand Ouellet, Le Bas-Canada 1791-1840. Changements structuraux et crise, Ottawa, Éditions de l’Université d’Ottawa, 1980, p. 13-14.

[2] Ibid., p. 14.

[3] Ibid., p. 15.

[4] Ibid., p. 28. 

[5] Ibid., p. 48. 

[6] Ibid., p. 53. 

[7] Ibid., p. 63. 

[8] Ibid., p. 15. 

[9] Ibid., p. 175. 

[10] Ibid.

[11] Ibid., p. 175-289. 

[12] Ibid., p. 107; 130; 294-420. 

[13] Ibid., p. 175-289. 

[14] Ibid., p. 247-248.

[15] Ibid., p. 347.

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