Le commentaire de document (outil d’analyse)

Le commentaire de document : qu’est-ce que c’est? 

À noter que les explications qui suivent son tiré du troisième chapitre du guide d’initiation au travail intellectuel intitulé Le coffre à outils du chercher débutant de Jocelyn Létourneau. Selon ce dernier, le commentaire de document est une manière pour les chercheurs et chercheuses d’interpréter une source écrite. Il se décompose ordinairement en quatre étapes principales qui se suivent de façon cohérente : 

  1. La démarche préalable 
  2. Le commentaire proprement dit
  3. La reconstitution du schéma et l’analyse du document
  4. Le bilan

La démarche préalable

Quiconque entreprend de réaliser un commentaire de document sans accomplir certaines opérations intellectuelles préalables risque d’appauvrir considérablement son travail ultérieur d’interprétation. Cette démarche préalable comprend habituellement trois étapes : la critique d’authenticité du document, la lecture attentive du document et la documentation.

La critique d’authenticité du document a pour but de vérifier la valeur du document avant de l’utiliser. Elle consiste en un examen minutieux du document à travers une grille interrogative. Il faut, par exemple se poser les questions suivantes :

– Qui a écrit le document? Un individu? Un groupe de personnes?

– Quand le document a-t-il été écrit? Où? Comment? 

– Par quelles voies est-il parvenu jusqu’à nous?

– S’agit-il d’un original? D’une copie?

– En rédigeant le document, l’auteur a-t-il pu se tromper? 

– S’est-il censuré? A-t-il été contraint de se censurer?

– L’auteur est-il un témoin direct ou emprunte-t-il son information à des témoins antérieurs? Etc.

La lecture attentive du document est un exercice de déchiffrage, de déconstruction et de « mise à nu » du texte. L’objectif consiste à noter toutes les particularités du document qui paraissent suffisamment significatives pour mériter une élucidation : personnages cités, lieux mentionnés, situations évoquées, etc. La documentation, pour sa part, consiste à consulter l’historiographie relative aux thématiques abordées dans le document.

Le commentaire proprement dit

Le commentaire de document est la mise en forme, sur un mode présentable, d’une démarche d’interprétation du témoignage écrit. Il s’agit de mettre en contexte le document par rapport à une interrogation intellectuelle, de déterminer le cadre historique et l’origine du document, de reconstituer le schéma et l’analyse du document et, finalement, d’ériger un bilan des observations. 

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Un exemple : le testament de Joseph Drapeau (1793)

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1. Mise en contexte et origines du document 

L’histoire relativement récente et pacifique du Canada, cumulé à l’intérêt des institutions gouvernementales pour la préservation d’archives, a fourni les conditions optimales en ce qui a trait à la conservation de documents administratifs et juridiques. Dès le XVIIIe siècle, sous l’intendant Gilles Hocquart notamment, des mesures sont mises sur pied en ce sens[1]. Le fonds d’archives Marie-Geneviève et Joseph Drapeau nous est aujourd’hui accessible en raison de cette conjoncture. Les documents de ce fonds ont été acquis au fils des années par le centre des Archives nationales du Québec(ANQ) situé à Québec et transférés au centre de Rimouski de la Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) à l’automne 1989[2]. Le testament de Joseph Drapeau, fait et dicté à Québec en 1793 par le notaire Joseph-Bernard Planté[3], est l’un des documents que nous retrouvons dans ce corpus de sources. Cette source présente de multiples intérêts pour ce mémoire. Elle nous renseigne sur les mentalités, la famille, les réseaux professionnels et sur une partie des possessions de Joseph Drapeau.  Ce testament nous documente sur divers aspects relatifs à la vie de Joseph Drapeau, mais également sur la société dans laquelle il vivait. 

Le testament est une source privilégiée pour faire l’histoire des mentalités[4]. Dans un testament, les testateurs mentionnent leurs dernières volontés, lesquelles offrent aux historiens une porte d’entrée pour saisir quelques bribes de leurs schèmes de pensées. Ainsi, ce document nous permet d’accéder à un échantillon de ce qui caractérisait les mentalités des seigneurs-marchands canadiens-français au tournant du XIXe siècle. Aussi, cette source nous renseigne sur les possessions, tant mobilières qu’immobilières, de Joseph Drapeau. Considérant que Drapeau use de son testament pour disposer de ses biens[5], cela nous dresse un portrait d’une partie des actifs de Drapeau à un moment précis de sa vie. Enfin, les testaments du Canada au XVIIIe siècle sont les témoins de relations entre individus. Le choix des exécuteurs testamentaires peut s’avérer très révélateur à ce niveau.  Qui plus est, ils nous permettent de prendre conscience de la place importante que la famille occupe dans cette société d’Ancien Régime[6]. 

2. Notes sur le cadre historique du document 

2.1. Le testateur

Joseph Drapeau, fils des cultivateurs Pierre Drapeau et Marie-Joseph Huard, est né à Pointe-Lévy le 13 avril 1752[7]. Il passe les premières années de sa vie à cultiver 90 arpents de terres à Lauzon[8]. Dans les années 1770, Drapeau s’installe comme marchand général en la basse ville de Québec. Pendant cette décennie, il sert dans la milice au moment de l’invasion américaine de 1775-1776 et il œuvre dans le domaine de l’hôtellerie et de la vente de spiritueux. En 1782, il se marie avec Marie-Geneviève Noël[9], fille du seigneur de Tilly Jean-Baptiste Noël, ce qui lui permet d’accéder à l’univers privilégié du monde seigneurial. Dans les années qui suivent ce mariage, il fait l’acquisition d’une dizaine de seigneuries[10]. Qui plus est, ses activités commerciales vont rapidement déborder de la basse ville de Québec. Il multiplie les ententes commerciales avec des marchands de la haute ville de Québec, de Rimouski et commerce directement avec l’Europe[11]. Le cas de Joseph Drapeau est particulier, car à cette époque, la richesse avait peu de chance de s’accumuler dans les mains de la paysannerie puisque « les charges féodales et les restrictions en matière de propriété terrienne pesaient certainement de tout leur poids contre une telle formation du capital[12] ». Il est l’un des Canadiens français ayant connu une ascension économique et sociale des plus remarquables sous le régime anglais. Drapeau a également eu une carrière politique. En 1809, il est élu député du parti Canadien dans la circonscription de Northumberland[13], dans le territoire actuel du Nouveau-Brunswick. Toutefois, sa présence dans la sphère politique du Bas-Canada sera de courte durée puisqu’il décède le 3 novembre de l’année suivante[14].

2.2. Contexte de production

Dans l’optique d’interpréter le plus fidèlement ce document, il est primordial de comprendre le cadre historique dans lequel ce dernier a été rédigé. Mentionnons d’abord que les acteurs présents au moment de la rédaction en 1793, soit Joseph Drapeau, âgé de 41 ans, le notaire Joseph-Bernard Planté et les témoins[15], sont des sujets de l’Empire britannique[16]. Le testament a été produit à la maison de Joseph Drapeau « en la basse ville de Québec place du marché[17] ». La ville de Québec, peuplée d’environ 10 000 habitants au tournant du XIXe siècle[18], est située sur le Saint-Laurent « là où le fleuve se rétrécit ». Elle est un « petit centre administratif, militaire et commercial[19] » ainsi que l’un des deux « vrais centres urbains[20] » de cette vallée. Sur le plan politique, nous sommes deux ans après l’adoption de l’Acte constitutionnel[21]. La Province of Quebec n’existe plus et deux nouvelles provinces dotées chacune d’une chambre d’assemblée viennent d’être fondées : le Bas-Canada, dont Québec est la capitale, ainsi que le Haut-Canada. La frontière qui sépare les deux Canadas est la rivière des Outaouais[22]. Dans la province du Bas-Canada, à l’est de cette frontière, la langue française, les lois civiles françaises et le catholicisme romain prédominent. En 1793, ce sont les premiers balbutiements du parlementarisme canadien qui caractérisent la vie politique[23]. Enfin, sur les 172 000 habitants dénombrés au Bas-Canada en 1791, 88 % sont francophones[24].

Économiquement, le Bas-Canada est une société majoritairement rurale et préindustrielle[25]. À cette époque, la petite et moyenne bourgeoisie canadienne est en voie de formation[26]. La grande bourgeoisie d’affaires britannique, quant à elle, fait sentir sa présence dans plusieurs secteurs économiques, notamment dans le domaine de la propriété foncière. En 1791, « plus du quart des seigneuries du Bas-Canada, à l’exclusion de celles appartenant à la Couronne, sont aux mains de seigneurs anglais[27] ». Les marchands exercent une réelle « domination socio-économique » au Bas-Canada[28]. Cette époque sera caractérisée, selon Fernand Ouellet, par une prospérité économique qui créait une paix sociale et un climat d’optimisme sur l’ensemble de la société[29].

En ce qui concerne les cadres juridiques, le Bas-Canada est sous l’égide des lois civiles françaises[30] et du droit seigneurial. Précisons néanmoins que l’Acte de Québec de 1774, qui a restauré la Coutume de Paris[31], autorise également l’application de la loi anglaise en matière d’héritage[32]. Cette « liberté testamentaire » sera réaffirmée au commencement du XIXe siècle[33]. Cole Harris observe que, bien qu’elle eût le choix, « la plus grande part de l’élite canadienne défend le système seigneurial et la Coutume de Paris à titre de piliers de la société canadienne[34] ». Enfin, rappelons que dans la société bas-canadienne du tournant du XIXe siècle, la famille reste la cellule de base, tant dans les classes populaires que dans les groupes privilégiés. C’est elle qui est « garante de la cohésion sociale et de la solidité du tissu culturel qui soude les individus les uns aux autres[35] ».

3. Reconstitution du schéma et analyse du document  

3.1. Le choix des lois civiles françaises

La Coutume de Paris est un ensemble de lois civiles qui régissent les rapports entre individus, dont font partie les pratiques successorales, depuis l’époque de la Nouvelle-France[36]. Lorsque le notaire Joseph-Bernard Planté rédige le testament en 1793, il procède selon les modalités de cette coutume[37]. Le testament est un acte authentique écrit par un notaire et assisté par deux témoins. Il nous mentionne la date, l’endroit, les acteurs présents, l’heure ainsi que l’état de santé de Joseph Drapeau au moment de la production du document. Le notaire écrit : 

Aujourd’hui vingt huit du mois d’Aout sur les huit heures du soir de l’année mil sept cent quatre vingt treize le Notaire Public en la Province du Bas-Canada, résidant à Québec en la haute ville rue la fabrique, et les témoins si après nommés soussignés ayant été mandés de la part de Monsieur Joseph Drapeau marchand demeurant en la basse bille de Québec sur la place du marché s’y sont transporté et […] avons trouvés le dit Sieur Joseph Drapeau malade dans une chambre au second étage de sa maison du côté Sud, couché sur un lit[38].

Planté ajoute que Drapeau est « sain néanmoins desprit de mémoire, dentendement et de jugement[39] » et, comme le veut la Coutume[40], les témoins Joseph-Octave Plessis, prêtre et curé de Québec, ainsi que Pierre Bruneau fils, marchand en la basse ville de Québec, ont apposé leurs signatures. Drapeau a, par conséquent, la capacité de discernement et respecte les conditions de l’article 292 de la coutume[41]. Il est également mentionné que le testament représente les dernières volontés de Joseph Drapeau « mot-à-mot ainsi qu’il suit[42] ».

Au-delà de ces « faits historiques[43] », ce premier paragraphe témoigne du fait qu’un membre de l’élite canadienne, qui avait la possibilité d’appliquer la loi anglaise en matière d’héritage, choisit malgré tout d’utiliser les lois civiles françaises. Certes, nous ne pouvons pas prétendre, à partir de ce seul document, que Drapeau considérait la Coutume de Paris comme l’un des piliers de la société canadienne[44]. Toutefois, le fait qu’il privilégie celle-ci au détriment des lois anglaises est pour le moins révélateur. Ce pourrait être une décision volontaire, qui témoignerait d’un attachement de Drapeau aux traditions canadiennes. Ou encore une décision rapidement prise considérant l’état de santé douteux de ce dernier et la possible influence du notaire. En effet, nous devons garder à l’esprit que la formation du notaire Joseph-Bernard Planté concernait l’application des lois civiles françaises et non anglaises[45]. Ainsi, il est difficile d’interpréter les intentions de Drapeau, mais son choix nous laisse croire qu’il était en accord avec l’idée de défendre les traditions du Canada français.  

3.2. Se préparer pour la vie éternelle

Tel que mentionné précédemment, le testament est un document dans lequel le testateur nous indique ses dernières volontés avant de mourir. Cela nous permet de comprendre, partiellement, l’univers mental du groupe social qu’il représente. Dans le cas qui nous concerne, nous pouvons conclure que Joseph Drapeau se préparait pour la vie éternelle en laquelle il croit sans doute sincèrement, comme la plupart de ses contemporains. Planté écrit qu’il :

Recommande son ame à Dieu, suppliant très humblement sa divine Majesté de lui faire miséricorde, de lui pardonner ses péchés et la recevoir en son Saint Paradis avec les Bienheureux par les mérites de la passion de notre Seigneur Jesus Christ & l’intercession de la très Sainte Vierge & de tous les Saints et Saintes du Paradis[46].

Qui plus est, Drapeau « veut et ordonne […] que son corps soit inhumé dans le cimetière de la Pointe Lévi avec un service célébré à l’instant tel que l’ordonneront ses exécuteurs testamentaires ou l’un deux[47] ».

Plusieurs indices nous permettent d’interpréter ces demandes de la sorte. Le fait que Drapeau mentionne uniquement l’endroit où il désire être inhumé, sans conditions particulières, atteste d’une volonté de funérailles modestes, et par le fait même, d’une certaine humilité. Le Chrétien catholique qui désire accéder à la vie éternelle se doit d’avoir cette vertu. Aussi, le fait qu’il demande d’être inhumé dans le cimetière de Pointe-Lévy est révélateur. Certes, il s’agit du lieu de sa naissance, mais surtout, d’un endroit où l’on enterre le corps des pauvres. Il aurait pu, comme l’ont fait de nombreux seigneurs, se prévaloir de son droit à être inhumé dans l’Église paroissiale de l’une de ses seigneuries[48]. Cela rend compte de sa compréhension à l’égard du message du Christ qui prône l’égalité devant la mort. De surcroît, Drapeau « donne et lègue à la paroisse de Québec la somme de six cents livres […] Sa femme Marie-Geneviève Drapeau devra gérer cet argent en la distribuant aux pauvres comme elle le jugera bon[49] ». Ces trois éléments confirment la volonté de Joseph Drapeau de « gagner son ciel » en se préparant pour la vie éternelle[50].

3.3. Possessions et réseaux 

Le testament mentionne une partie des diverses possessions de Joseph Drapeau en plus de nous informer sur ses réseaux familiaux et professionnels. À cet effet, nous constatons que les notions d’entraide et de support sont présentes lorsqu’il est question des membres de la famille de Drapeau. Le testateur ne déroge pas des normes de l’époque. Clairement, la famille continue d’être la cellule de base de la société canadienne au tournant XIXsiècle[51]. La première mention que nous retrouvons dans le testament implique son frère Pierre Drapeau « habitant de la Pointe Levy[52] ». Il lui lègue quatre lots de terre et l’ensemble des bâtiments qui se trouvent sur ceux-ci. Le premier leg est « la part qui appartient au testateur dans la terre et les batimens dessus construits, situés au dit lieu de la Pointe Levy sur laquelle terre le dit Pierre Drapeau demeure et est établi[53] ». Il reçoit également « la terre situé à la Rivière des Etchemin, avec aussi celle […] dans l’isle qui se trouve au devant de la dite terre[54] ». Ajouté à cela « la part qui appartient au dit testateur dans une terre de quatre arpens de front située à la Pointe Levy au bout des quarante arpens de Michel Begin[55] ».

La deuxième personne mentionnée est sa sœur Judith Drapeau, « épouse de Jean Levasseur », qui reçoit trois arpents de terre de front sur quarante arpents de profondeur à détacher du domaine près de l’Église dans sa seigneurie de Rimouski. Le testateur lui remet également la somme de 100 piastres[56]. Ensuite, il lègue à son autre sœur, Catherine Drapeau, une pension viagère de 300 livres payable chaque année tant qu’elle restera fille, car si elle se marie, la pension sera amortie[57]. Pour son frère Charles Drapeau, qui étudie le notariat à Québec, il « veut et entend [qu’il] soit nourri et entretenu à même les biens du testateur […] à compter de son décès comme il a été jusqu’à ce jour[58] ». Finalement, il lègue à ses trois filles, Marie, Luce et Josephte, tous ces biens meubles et immeubles nobles et roturiers partagés égalitairement « selon les lois en force en cette Province sans toute fois préjudicier aux droits des communauté et autres convention matrimoniales stipulées en faveur de sa dite épouse par leur contrat de mariage auxquelles le testateur nentend dérager par son present testament[59] ». Cette section du testament concerne la majorité des biens que Drapeau possède, soit tout ce qui n’a pas été légué aux membres de sa famille précédemment, mais nous n’avons pas d’énumération de ceux-ci. Nous savons toutefois que les seigneuries qu’il possède en 1793[60] devaient échoir de manière égale à ses filles puisqu’il n’y a pas de fils, donc pas de primogéniture du fils aîné[61].

Quant aux relations avec les individus qui ne sont pas des membres de sa famille, dont les marchands Louis Bélair et Augustin Trudel, elles concernent davantage ses entreprises et l’administration de ses biens. Le testament témoigne du fait que Drapeau désire supporter les membres de sa famille, mais que lorsqu’il est question d’administration et d’entreprises, il privilégie des hommes issus de son réseau professionnel. Considérant l’importance d’un testament, nous pouvons déduire que Joseph Drapeau éprouve une réelle confiance envers eux. À cet égard, Drapeau a nommé « Messieurs Louis Bélair marchand a la Bay St-Paul et Augustin Trudel aussi marchand à Rimouski afin d’éxécuter conjointement ou séparément le présent testament se remettant entre leurs mains de tous ses biens suivant la coutume[62] ».

3.4. Précisions et révocation du testament

Dans les dernières pages du testament, nous retrouvons certains éléments que Joseph Drapeau désirait inclure dans son testament. Il précise détenir la moitié de tous les profits sur les marchandises qu’il a avancé au « Sieur Louis Bélair marchand à Baie-Saint-Paul[63] ». Il mentionne l’existence de livres de compte qui atteste de leur entente. Enfin, la dernière demande recommande à ses exécuteurs testamentaires de « faire toutes les diligences possibles pour faire rentrer au plus tôt les crédits qui lui sont dus, afin de payer ses créanciers et d’éviter par-là la vente d’aucun de ses biens[64] ». Ces deux précisions témoignent de la rigueur avec laquelle il gérait ses actifs

Mentionnons finalement que testament, rédigé en 1793 alors que le « Sieur Joseph Drapeau [est trouvé] malade dans une chambre au second étage de sa maison du côté Sud[65] », a été annulé par Drapeau :

Aujourd’hui vingt sept Novembre après midi mil sept cent quatre vingt dix sept pardevant le Notaire public à Québec y résidents soussignés, en l’Étude de Me. Planté l’un deux est comparer Monsieur Joseph Drapeau marchand demeurant en cette basse ville de Québec, lequel a par ces présentes déclaré qu’il révoque son testament ci-dessus et des autres parts écrit pour qu’il n’ait aucune force valeur ou effet quelconque[66].

Les causes de cette révocation ne sont pas mentionnées dans le testament, mais il serait probable que ce soit relié au fait qu’il ait retrouvé la santé. Ce qui est étonnant, c’est qu’il s’agit du seul testament de Joseph Drapeau dans le fonds d’archives Marie-Geneviève et Joseph Drapeau. Considérant qu’il a multiplié ses possessions et ses capitaux dans les années qui suivent la révocation de ce testament, il est surprenant de croire qu’un marchand de cette envergure n’ait pas fait rédiger un nouveau document à jour. 

4. Bilan 

À la lumière de ce commentaire de document, le testament de Joseph Drapeau, fait et dicté à Québec en 1793 par le notaire Joseph-Bernard Planté, nous a renseigner sur divers aspects relatifs à la vie de Drapeau, mais également sur la société dans laquelle il vivait. De nombreuses informations ont pu être récoltées. 16 personnes ont été mentionnées dans ce testament et deux constats peuvent être ressortis. D’abord, il est évident que Drapeau désire supporter les membres de sa famille. Les nombreux legs qu’il offre à ses frères, ses sœurs, sa femme et ses filles en témoignent. Ensuite, lorsqu’il est question d’administration et d’entreprises, il privilégie des hommes issus de son réseau professionnel. Les deux individus en qui il semble avoir confiance sont deux marchands avec lesquels il faisait des affaires. Louis Bélair est marchand à Baie-Saint-Paul et Augustin Trudel à Rimouski. Dans le cas de Drapeau, son testament témoigne que son réseau de sociabilité allait au-delà des membres de sa famille. 

De manière plus générale, nous avons constaté que Drapeau à des intérêts pour des éléments qui sont généralement associés à l’Ancien Régime, telles l’importance accordée à la famille dans le testament, la volonté de préparer sa vie éternelle ainsi que l’utilisation de la Coutume de Paris malgré la possibilité de recourir à la forme anglaise. Toutefois, il a également des intérêts qui concordent avec l’esprit proto-capitalisme qui est en pleine effervescence au tournant du XIXesiècle[67]. De fait, son testament témoigne d’une rigueur dans la gestion ainsi que la distribution de son patrimoine et atteste de la connaissance minutieuse que Drapeau avait de ses diverses possessions au moment de la production du document. Ce dernier n’était pas passif en ce qui concerne la gestion de ses actifs. Enfin, considérant que Joseph Drapeau est décédé le 3 novembre 1810, soit 17 années après la rédaction du testament, cette source pourra être mise en parallèle avec les documents qui ont été produits ultérieurement dans l’optique de tenter de saisir une évolution, des changements ou une continuité quant aux aspects qui ont pu être observés dans le cadre de cette analyse. 

Bibliographie

I. Ouvrages généraux

DICKINSON, John A. et Brian YOUNG. Brève histoire socio-économique du Québec. Québec,            Septentrion, 2009. 

FRENETTE, Yves (avec la collaboration de Martin PÂQUET). Brève histoire des Canadiens    français. Montréal, Boréal, 1998. 

GRENIER, Benoît. Brève histoire du régime seigneurial. Montréal, Boréal, 2012, 248 p. 

HARRIS, Cole. Le pays revêche. Société, espace et environnement au Canada avant la confédération. Québec, presses de l’Université Laval, coll. « Géographie historique », 459         p.

II. Études

BERNIER, Gérald et Daniel Salée. Entre l’ordre et la liberté. Colonialisme, pouvoir et transition         vers le capitalisme dans le Québec du XIXe siècle. Montréal, Boréal, 1995. 265 p.

CYR, Céline et Pierre DUFOUR. « Joseph Drapeau ». Dans Dictionnaire biographique du        Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003-2018, http://www.biographi.ca/fr/bio/drapeau_joseph_5F.html.

GREER, Allan. Habitants, marchands et seigneurs : La société rurale du Bas-Richelieu 1740-  1840. Sillery, Septentrion, 2000 [1985]. 357 p. 

GRENIER, Benoît. « Femmes et propriétés seigneuriales au Canada (XVII– XIXe siècles) : les            formes de l’autorité des “seigneuresses” ». Histoire, économie et société, (4-2019), 36e année, p. 1-23.

OUELLET, Fernand. Histoire économique et sociale du Québec 1760-1850. Montréal, Fides,    1966, 289 p. 

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PLOURDE, Jean-Claude. « Origine historique et évolution du principe de la liberté de tester du            Code civil ». Les Cahiers de droit, Vol. 2, n° 2, avril 1956, p. 120-136. 

PROST, Antoine. Douze leçons sur l’histoire. Paris, édition le Seuil, 1996, 330 p. 

ROY, Joseph-Edmond. Histoire de la seigneurie de Lauzon. Lévis, collection Notre mémoire,   1913, [1995]. 

VERRETTE, Michelle. « Planté, Joseph-Bernard ». Dans Dictionnaire biographique du Canada,          vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003- 2018, http://www.biographi.ca/fr/bio/plante_joseph_bernard_6F.html

VOVELLE, Michel. Idéologies et mentalités. Paris, Maspero, 1982, 331 p. 

WALLOT, Jean-Pierre. Un Québec qui bougeait. Trame socio-politique au tournant du XIXe    siècle. Trois-Rivières, éditions du Boréal Express, 1972, 345 p. 

WEBER, Max. L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme. Paris, Plon, 1964, 341 p.

III. Sources

BANQ-R, Fonds P30, Marie-Geneviève et Joseph Drapeau, Document 9, Testament de Joseph            Drapeau fait et dicté à Québec par le notaire Joseph Planté en 17938 p. 

IV. Mémoire

FORTIN, Jonathan. « Le célibat féminin à Québec et Montréal au XVIIIe siècle : travail, famille et       sociabilité ». Mémoire de maîtrise, Université de Sherbrooke, (histoire), 2014, 176 p. 

V. Sites internet 

Bibliothèque et Archives nationales du Québec, « Fonds Joseph et Marie-Geneviève Drapeau »,             [en ligne], consulté le 6 novembre 2019,

            <http://pistard.banq.qc.ca/unite_chercheurs/description_fonds?p_anqsid=2019110816151            0741543&p_centre=01R&p_classe=P&p_fonds=30&p_numunide=143 >

WILSON, Ian E. « Archives ». L’Encyclopédie Canadienne, [en ligne], consulté le 6 novembre            2019, <https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/archives-1>


1) L’intérêt naturel du gouvernement pour la conservation de documents importants à des fins administratives et juridiques remonte à l’époque de laNouvelle-France. En effet, en 1724, on propose d’engager un conservateur d’archives, et, en 1731, l’intendant Gilles Hocquart suggère la construction d’un immeuble réservé à celles-ci. En 1790, le Conseil législatif de Québec rend une ordonnance pour la conservation de documents dans un endroit sûr. Pour plus d’informations, voir Ian E. Wilson, « Archives », L’Encyclopédie Canadienne, [en ligne], consulté le 6 novembre 2019, <https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/archives-1>

2) Bibliothèque et Archives nationales du Québec, « Fonds Joseph et Marie-Geneviève Drapeau », [en ligne], consulté le 6 novembre 2019,

<http://pistard.banq.qc.ca/unite_chercheurs/description_fonds?p_anqsid=20191108161510741543&p_centre=01R&p_classe=P&p_fonds=30&p_numunide=143 >

3) BANQ-R, P30, D9, p. 1 ; Joseph-Bernard Planté obtient sa commission de notaire le 11 novembre 1788. Il va pratiquer à ce titre jusqu’à son décès et se bâtira une imposante clientèle. À cet effet, son minutier contient 9 693 actes notariés. Pour plus d’informations, voir Michelle Verrette, « Planté, Joseph-Bernard », Dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003- 2018, http://www.biographi.ca/fr/bio/plante_joseph_bernard_6F.html

4) À cet effet, voir Michel Vovelle, Idéologies et mentalités, Paris, Maspero, 1982, 331 p. 

5) Cette possibilité est permise à partir de l’Acte de Québec de 1774. Les articles VIII et X apportent un principe nouveau quant à la liberté de tester. Le premier article décrète que les lois françaises seront suivies en matière de propriété et de droits civils et le second, que les « Laws of England » peuvent également être utilisées pour les testaments. À cet effet, voir Jean-Claude Plourde, « Origine historique et évolution du principe de la liberté de tester du Code civil », Les Cahiers de droit, Vol. 2, n° 2, avril 1956, p. 131.  

6) À cet effet, voir Jonathan Fortin, « Le célibat féminin à Québec et Montréal au XVIIIe siècle : travail, famille et sociabilité », mémoire de maîtrise, Université de Sherbrooke, (histoire), 2014, p. 100-111. 

7) Céline Cyr et Pierre Dufour, « Joseph Drapeau », Dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003- 2018, http://www.biographi.ca/fr/bio/drapeau_joseph_5F.html.

8) Lauzon est la première seigneurie fondée sur la Rive-Sud du fleuve Saint-Laurent. Pour plus d’informations, voir Joseph-Edmond Roy, Histoire de la seigneurie de Lauzon, Lévis, collection notre mémoire, 1994, p. 20.

9) Ce mariage, qui a eu lieu le 14 octobre 1782, alors que Marie-Geneviève Noël avait 16 ans, apportera 4 000 livres à la communauté de biens de Joseph Drapeau. Pour plus d’informations, voir Cyr et Dufour, op. cit.

10) Au cours de sa vie, Joseph Drapeau fait l’acquisition des seigneuries Champlain, Lessard, la Baie-du-Ha-Ha, Rimouski, Saint-Barnabé, Grand–Métis, Pachot, Sainte–Claire, la Rivière-du-Gouffre, la moitié de l’Île d’Orléans, Rigaud–Vaudreuil, Gentilly, Perthuis, Beauvais, Rivière–Duchesne et Sainte–Barbede–la–Famine. Pour plus d’informations, voir Cyr et Dufour, op. cit

11) Drapeau, qui s’approvisionnait auprès des maisons d’affaires britanniques établies à Québec, notamment celles de John Blackwood et d’Adam Lymburner, décida de commercer directement avec l’Europe en août 1799. Il équipa le General Prescott, l’un de ses nombreux bateaux, pour faire un voyage à Halifax, puis à Liverpool, Bristol et Londres, en Angleterre, et ensuite à Lisbonne. Pour plus d’informations, voir Cyr et Dufour, op. cit.

12) Allan Greer, Habitants, marchands et seigneurs : La société rurale du Bas-Richelieu 1740-1840, Sillery, Septentrion, 2000 [1985], p. 57.

13) Il s’agit d’une époque particulièrement tendue à l’Assemblée. Les rivalités entre francophones et anglophones sont considérables. La position politique de Drapeau est pertinente pour analyser sa situation. Il privilégie le parti Canadien au détriment du Parti « British » à l’Assemblée, ce qui aurait pu favoriser ses affaires.

14) Cyr et Dufour, op. cit.

15) À cinq reprises dans le testament, Joseph-Octave Plessis (prêtre curé de Québec) et Pierre Bruneau fils (marchand en la basse ville de Québec) apposent leurs signatures aux côtés de celles de Joseph Drapeau et du notaire Joseph- Bernard Planté.

16) La Nouvelle-France devient une colonie de la Couronne britannique le 10 février 1663 avec e traité de Paris.

17) BANQ-R, P30, D9, p. 1. 

18) John A. Dickinson et Brian Young, Brève histoire socio-économique du Québec, Québec, Septentrion, 2009, p. 126. 

19) Cole Harris, Le pays revêche. Société, espace et environnement au Canada avant la confédération, Québec, presses de l’Université Laval, coll. « Géographie historique », p. 251. 

20) Le deuxième « vrai centre urbain » est Montréal ; Ibid.

21) Fernand Ouellet, Le Bas-Canada 1791-1840. Changements structuraux et crise, Ottawa, Les éditions de l’Université́ d’Ottawa, 1980, p. 13. 

22) Cole Harris, Le pays revêche, p. 222. 

23) C’est également à cette époque qu’émerge une rivalité entre francophones et anglophones sur la scène politique ; Yves Frenette, Brève histoire des Canadiens français, Montréal, Boréal, 1998, p. 51. 

24) Ibid., p. 52.

25) Dickinson et Young, Brève histoire socio-économique du Québec, p. 126. 

26) D’ailleurs, précisons que ses effectifs s’accroissent plus vite que la population en général ; Frenette, Brève histoire des Canadiens français, p. 51. 

27) Harris, Le pays revêche, p. 226 ; Pour davantage d’informations sur cette question et cette période, voir Benoît Grenier, Brève histoire du régime seigneurial, Montréal, Boréal, 2012, p.149-156.

28) Gérald Bernier et Daniel Salée, Entre l’ordre et la liberté. Colonialisme, pouvoir et transition vers le capitalisme dans le Québec du XIXe siècle, Montréal, Boréal, 1995, p. 71. 

29) Fernand Ouellet, Histoire économique et sociale du Québec 1760-1840, Montréal, Fides, 1966, p. 165. 

30) La Coutume de Paris est la référence officielle pour les juristes et les notaires du Canada depuis l’instauration du gouvernement royale par Louis XIV en 1664.

31) Elle avait été révoquée le 10 février 1763 avec le Traité de Paris. Pour plus d’informations, voir Plourde, « Origine historique et évolution du principe de la liberté de tester du Code civil », p. 123-125. 

32) Harris, Le pays revêche, p. 226. 

33) Plourde, « Origine historique et évolution du principe de la liberté de tester du Code civil », p. 133. 

34) De leur côté, les marchands et avocats britanniques estiment que les restrictions, inhérentes à ce système, sur les droits liés à la propriété privée sont des obstacles anachroniques, nuisibles au développement d’une économie moderne ; Ibid., p. 226-227. 

35) Frenette, Brève histoire des Canadiens français, p. 54.

36) Tel que mentionné précédemment, la Coutume de Paris est la référence officielle pour les juristes et les notaires du Canada depuis l’instauration du gouvernement royale par Louis XIV en 1664.

37) Il est mentionné que le testament est effectué « selon les lois en force en cette Province » ; BANQ-R, P30, D9, p. 4.

38) Ibid., p. 1.

39) Ibid.

40) Jean-Claude Plourde, « Origine historique et évolution du principe de la liberté de tester du Code civil », Les Cahiers de droit, Vol. 2, n° 2, avril 1956, p. 121.

41) Cet article énonce le principe général de la liberté de tester et décrète la réserve des quatre quints ; Ibid., p. 122. 

42) BANQ-R, P30, D9, p. 1.

43) Ici, nous prenons bien soin de mettre les mots « faits historiques » entre guillemets, car comme l’a démontré Antoine Prost : « d’un seul document, on ne peut conclure à la réalité du fait ». À cet effet, voir Antoine Prost, Douze leçons sur l’histoire, Paris, édition le Seuil, 1996, p.126.

44) Cole Harris considère que la plus grande part de l’élite canadienne défend le système seigneurial et la Coutume de Paris à titre de piliers de la société canadienne ; Harris, Le pays revêche, p. 226.

45) Verrette, « Planté, Joseph-Bernard », op. cit.  

46) BANQ-R, P30, D9, p. 1. 

47) Ibid., p. 2.

48) Grenier, Brève histoire du régime seigneurial, p. 96. 

49) BANQ-R, P30, D9, p. 4. 

50) À cet effet, voir Michel Vovelle, Idéologies et mentalités, Paris, Maspero, 1982, 331 p.

51) Frenette, Brève histoire des Canadiens français, p. 54.

52) BANQ-R, P30, D9, p. 2. 

53) Ibid.

54) Ibid.

55) Ibid.

56) Ibid., p. 3. 

57) Il est mentionné que chacun des testateurs devra verser 20 sols pour la constitution de cette pension. Voir BANQ-R, P30, D9, p. 4.

58) BANQ-R, P30, D9, p. 3. 

59) Ibid., p. 4.

60) En 1793, Joseph Drapeau possède les seigneuries Champlain, Lessard, la Baie-du-Ha-Ha, Rimouski, Saint-Barnabé, Grand–Métis, Pachot, Sainte–Claire et la Rivière-du-Gouffre. Voir Cyr et Dufour, « Joseph Drapeau ». op. cit.

61) Dans la Coutume de Paris, il « est prévu que le fils aîné reçoive le “préciput”, c’est-à-dire le manoir, la cour et les deux tiers du fief s’il n’y a que deux enfants ou la moitié du fief s’il y en a trois ou plus. Toutefois, si le seigneur défunt n’a pas de fils qui lui survive, ne laissant que des filles, le droit d’ainesse ne s’applique pas ou, selon les termes de la coutume : “droit d’aînesse n’a lieu entre filles” ». Benoît Grenier, « Femmes et propriétés seigneuriales au Canada (XVII– XIXe siècles) : les formes de l’autorité des “seigneuresses” », Histoire, économie et société, (4-2019), 36e année, p. 17.

62) BANQ-R, P30, D9, p. 5. 

63) Ibid., p. 4.

64) Ibid.

65) Ibid., p. 1. 

66) Ibid., p. 6.

67) Max Weber, L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, Paris, Plon, 1964, 341 p.

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