Cadre conceptuel III – Pluriactivité

Dans ce dernier article de la série « cadre conceptuel », je vous propose une définition du concept de pluriactivité.

 
La pluriactivité est un concept fréquemment utilisé par les historiens ruralistes et elle se manifeste sous de nombreuses formes[1]. L’historien Luigi Lorenzetti explique que, de manière générale, la pluriactivité se comprend comme « la diversification des activités (et des revenus) » et qu’elle « peut se réaliser à l’échelle familiale ou à celle individuelle[2] ». Gérard le Bouëdec, dans un article sur la pluriactivité, évoque que l’opérationnalité de ce concept a largement été démontrée avec les travaux de Ronald Hubscher, Claude-Isabelle Brelot, Jean-Luc Mayaud, Gérard Gayot et Jean-Pierre Hirsh[3]. Pour ces historiens, la pluriactivité reflète « l’originalité du territoire[4] ». Bien que le concept soit généralement associé aux économies de subsistance, il implique surtout le recours à différentes sources de revenus[5]

L’historiographie relative aux seigneurs-marchands du Canada n’est pas abondante. L’historienne Françoise Noël a rendu compte de la gestion des seigneuries de Gabriel Christie dans la vallée du Richelieu entre 1760 et 1845[6]. Jean-Claude Robert, quant à lui, a publié une étude sur Barthélémy Joliette, seigneur de Lavaltrie dans la première moitié du XIXesiècle, dans laquelle il examine le rôle joué par ce dernier dans le développement de l’industrie forestière à l’intérieur de sa seigneurie[7]. Récemment, Maude-Flamant Hubert a démontré que Louis Bertrand, seigneur de L’Isle-Verte, exploitait les ressources naturelles de son territoire dans un esprit capitaliste[8]. Ces trois études ont un point en commun: les historiens qui les ont réalisés orientent leurs recherches sur une sphère précise d’activité, dans ces cas-ci seigneuriale ou entrepreneuriale, mais aucun analyse la complémentarité d’activités plurielles.  Le cas de Joseph Drapeau nous permet de mobiliser le concept de pluriactivité. Il investit simultanément dans les immeubles et les loyers, dans des petits commerces, dans des entreprises de types capitalistes ainsi que dans le domaine de la propriété foncière. Ces formes d’investissements, qui correspondent à des activités économiques, sont multiples et simultanées. Ainsi, la diversification des revenus de Drapeau est assurée par ce que Lorenzetti appelle la « polyactivité individuelle[9] ».


[1] Luigi Lorenzetti, « Ruralité, industrie et formes de pluriactivité : une approche comparative. Valais (Suisse) et Valteline (Italie), 1860-1930 », Histoire, économie et société, 31e année (mars 2012), p. 71. 

[2] Ibid.

[3] Gérard le Bouëdec, « La pluriactivité dans les sociétés littorales XVIIe-XIXe siècle », Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, vol. 109, n°1 (janvier 2002), p. 61. 

[4] Ibid., p. 88. 

[5] Ibid.

[6] Noël, « La gestion des seigneuries de Gabriel Christie dans la vallée du Richelieu (1760-1845) », p. 561-582.

[7] Jean-Claude Robert, « Barthélémy Joliette et la fondation du village d’Industrie (Joliette), 1822-1850 », RHAF, vol. 26, n°3 (décembre 1972), p. 392.

[8] Maude Flamand-Hubert, Louis Bertrand à l’Isle Verte, 1811-1871 : propriété foncière et exploitation des ressources, Québec, presses de l’Université de Québec, 2012, 157 p.

[9] Lorenzetti, « Ruralité, industrie et formes de pluriactivité … », p. 71.

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